Bien que bon nombre d' informations présentées sur ce blog soient le résultat d'un travail personnel, je tiens à remercier Jacques Baudou, responsable en son temps de la revue Enigmatika - revue consacrée à la plupart des grands auteurs français de romans policiers des années 1930-1970 - qui m'a autorisé à utiliser le contenu des numéros 37 et 38 de ladite revue consacrés à Louis C. Thomas. Un grand merci aussi à la famille de Thomas Cervoni - ses neveu et nièce - qui m'ont aidé - et qui m'aident encore - à reconstituer les maillons manquants...


samedi 11 décembre 2010

1 - Les débuts littéraires

Thomas Cervoni – alias Louis C. Thomas
(27-12-1921 – 10-05-2003)

Première Partie : La vie et l'oeuvre de Louis C. Thomas


Thomas, Louis Cervoni naît le 27 décembre 1921 dans le Var à Hyères. Son père, Martin, Toussaint Cervoni, d’origine corse, est alors sergent major d’infanterie, et sa mère, Marie Louise Audisio - hyèroise d’origine italienne, couturière. Il aura deux sœurs : Marie-Jeanne et Jacqueline, respectivement de 2 et 9 années ses cadettes et entre les deux un frère René qui ne vivra que quelques mois.

Le jeune Thomas fait des études au collège Rouvière de Toulon, passe le Brevet Elémentaire, puis intègre l’Ecole Normale de Draguignan où, tout en ébauchant déjà des romans policiers - sa passion depuis l’adolescence {1}, il décroche en 1941 son Brevet Supérieur, ce qui lui ouvre les portes pour être Instituteur {2}.
Après un mois d’enseignement aux Salles-sur-Verdon {3}, il est appelé en 1942 aux Chantiers de Jeunesse {4} et doit se séparer de ses élèves du cours moyen et d’un amour passionné…
D’abord affecté dans une carrière {5} à Laroque-Escalon, près de Cavaillon, il est ensuite envoyé en 1943 en Allemagne, dans le cadre de la loi sur le Service du Travail Obligatoire et toujours pour le compte des Chantiers de Jeunesse, où il travaillera deux ans à Dessau et à Zeitz, dans les usines de l’avionneur Junker.

A son retour de captivité, après la Libération, il reprend son activité d’enseignant aux Bormettes, dans la commune de La Londe, puis à Hyères, mais se retrouve bientôt au cœur d’un drame qui faillit lui coûter la vie, et qui lui fait perdre la vue…
Amateur de romans policiers (dans le style de Siménon qu’il affectionne particulièrement) qu’il dévorait au rythme d’un par soir, mais ne pouvant désormais plus en lire, il va s’inventer des histoires pour lui-même et, sur la demande pressante de son ami de toujours René Panaro {6}, se mettre à en écrire…, au tout début en écrivant "à l’aveugle", en s’aidant d’une règle et de ses deux mains pour canaliser son écriture sur le papier et en faisant corriger ses textes par sa sœur Jacqueline, puis, assez rapidement, à l’aide d’une machine à écrire sur laquelle il recouvre certaines touches avec des bouchons gravés de la lettre correspondante, pour reconnaître leur emplacement au toucher.

Ses tout premiers textes sont des nouvelles comiques grivoises et argotiques publiées dans la revue mensuelle "Dans le train – 3 heures de bonne humeur" en 1949 et 1950.
Son premier récit policier – "L’assassin a tout prévu" – qu’il faut considérer comme une longue nouvelle ou un court roman et qu’il signera René Thomas {7}, sera publié début 1950 dans la revue "Police et Contre espionnage" et à la fin de la même année par Ferenczy dans sa collection de fascicules de 32 pages "Mon roman policier" {8}. Quatorze volumes signés René Thomas paraîtront dans cette dernière collection jusqu’à mi 1954, à raison d’un titre par trimestre en moyenne.
Les premiers récits policiers de Thomas Cervoni – signés René Thomas : "L’assassin a tout prévu" - dans la revue "Police et Contre-espionnage" (n°5 – 1950/T1) et chez Ferenczy fin 1950 ; et au "Carquois" avec "Accident de la route" 3ème trimestre 1951. Des récits de 32 pages.

Pour ces premiers récits policiers Thomas Cervoni raconte qu’il avait pris pour héros l’inspecteur Lémoz, qui ressemblait vaguement à un vieux copain qu’il avait à Hyères et qui fut inspecteur de police à Marseille, et à qui il arrivait des aventures nées de son imagination, sans aucun rapport avec la réalité {9}.
Pendant cette période, deux incartades : la première en 1951 pour les Editions du Carquois {10}, avec "Accident de la route" – dans la série "Deux heures de… mystère", elle aussi de 32 pages ; et la seconde en 1953 pour le Fleuve Noir et sa série Spécial Police, avec son premier "grand" roman "Jour des morts" qu’il signe Thomas Cervion {11}.

Le premier "grand" roman de Thomas Cervoni : "Jour des morts" au Fleuve Noir – juillet 1953, sous la signature de Thomas Cervion. L'auteur remaniera le texte pour la réédition de 1971 qui paraîtra aux Edirions Denoël.

Ce premier grand roman voit apparaître un autre personnage récurrent : le commissaire Paron – une sorte de Commissaire Maigret, que l’on retrouvera dans cinq autres romans et quelques nouvelles, et dont le nom est l’une des variations créées par l’auteur sur le nom de son "ami de toujours" René Panaro.
Maurice-Bernard Endrèbe, dans sa critique "Lu pour Vous" de l’hebdomadaire Détective, dit de lui qu’il faisait avec ce livre " une remarquable entrée dans le genre qui nous est cher ", et qu’il n’y avait rien dans ce roman " qui trahissait le débutant ". Et d’applaudir : " Bravo, Thomas Cervion, et continuez dans cette bonne voie ! " (Détective n°369 du 27 juillet 1953) {12}.
En parallèle à ses récits policiers, il écrit des nouvelles policières dans différents journaux dont Samedi soir et Le hérisson {13},et il écrit des contes pour enfants sous la signature de Serge Thomas {14} pour la revue bimensuelle "Francs-Jeux" {15}. Une soixantaine de contes seront publiés dans la seconde partie des années 50.

Trois numéros de Francs-Jeux de 1957 dans lesquels Thomas Cervoni écrivit un conte pour enfants : n°257 (1er février) "Le ranch Maudit" ; n°265 (1er juin) "La caverne sacrée" ; n°268 (15 juillet) "L’appel de la Jungle"



{notes}



{1} - Dans un entretien accordé à Jacques Baudou et reproduit dans le n°38 de la revue Enigmatika en juin 1990, Thomas Cervoni indique qu’enfant il était un gros lecteur de romans d’aventures, de romans policiers – notamment les petits romans à 50 cts édités par Ferenczy ou Tallandier, et qu’ensuite il lut les Siménon des collections populaires à 3F50, les Fantômas, Arsène Lupin et Gaston Leroux…
{2} - Pour comprendre le système éducatif de l’époque, on pourra se reporter au lien suivant :http://assoreveil.org/finalites_02_2001.html
{3} - Salles sur Verdon était un village de quelques centaines d’habitants, situé à vol d’oiseau à une cinquantaine de km au nord de Hyères, qui fut englouti en 1974 par le remplissage du barrage EDF sur le Verdon en donnant naissance au lac de Sainte-Croix.{4} - Les Chantiers de la Jeunesse Française furent créés après l’armistice de 1940 comme une sorte de substitut du service militaire obligatoire. Les jeunes hommes de la zone libre âgés de 20 ans y étaient incorporés pour un "stage" de 6mois (porté à 8 mois à partir de 1941) pour y accomplir des travaux d’intérêt général, mais avec une organisation paramilitaire. Les chantiers mobilisèrent la classe appelée sous leurs drapeaux en novembre 1942 et envoyèrent 16.000 jeunes en Allemagne, dans le cadre de la loi sur le Service du Travail Obligatoire concernant les jeunes gens nés entre 1920 et 1922. Voir l’article de Wikipédia sur le lien suivant :http://fr.wikipedia.org/wiki/Chantiers_de_jeunesse.
{5} - L’auteur utilisera ses connaissances liées à ce milieu dans son roman "Une chute qui n’en finit pas" – 1985.
{6} - Thomas Cervoni eut deux amis d’enfance : M. Guérin, horticulteur, et René Panaro (1920 – 1987), contrôleur divisionnaire du Trésor à Toulon - son "ami de toujours".
{7} - René Thomas : pseudonyme formé à partir de son prénom et de celui de son meilleur ami René Panaro
{8} - Thomas Cervoni indique qu’ayant écrit un petit roman de la longueur voulue, il l’avait envoyé au hasard chez Ferenczy qui l’avait accepté et qui lui en avait commandé d’autres (voir entretien avec Jacques Baudou op. cit.).
{9} - Voir Enigmatika n°38, op. cit. Thomas Cervoni indique que ces premières aventures n’avaient aucun rapport avec la réalité, mais très vite il s’attachera à fournir des textes les plus crédibles possibles, avec le souci du détail et de la précision poussé à l’extrême.
{10} - Les Editions du Carquois font partie de ces petites maisons d’éditions éphémères d’après guerre et de second ordre, qui disparaissaient aussi vite qu’elles étaient apparues. Georges Degandt – dit Bouboul – fut un des deux fondateurs de cette maison d’éditions.
{11} - Thomas Cervoni écrivit ce "grand" roman courant 1952, le fit taper à la machine par son ami, et l’envoya au Fleuve Noir, à Paris (voir entretien avec Jacques Baudou, op. cit.). Dans "L’Almanach Magazine 59" de Radio-Télé Luxembourg, il raconte qu’il écrivit ce premier roman sur une règle d’écolier - en enroulant une feuille de papier autour d’une règle, et en écrivant sur l’épaisseur de la règle recouverte de papier, et en faisant faire ¼ de tour à la règle pour passer à la ligne suivante. "Jour des morts" – 225 pages, équivaudra à 6750 tours de règle… Il reçut une réponse positive un an plus tard, avec un contrat liant son pseudonyme de Thomas Cervion au Fleuve Noir pour une durée de 10 ans.
{12} - Thomas Cervoni écrira à M.B. Endrèbe pour le remercier, ce dernier lui répondant en l’encourageant à continuer… ce qui sera le début d’une longue amitié (voir entretien avec Jacques Baudou, op. cit.).
{13} - La nouvelle "J’ai payé d’avance", reproduite dans le numéro 38 d’Enigmatika et publiée dans le recueil de nouvelles "Crimes avec Préméditation" en 1993 fait partie de ces premières nouvelles publiées dans la presse.
{14} - Serge Thomas : pseudonyme formé à partir de son prénom et de celui de son neveu et filleul, Serge, né en 1950.
{15} - Francs-Jeux fut une revue pour enfants patronnée par l’Enseignement Primaire qui parut de 1946 à la fin des années 70. Il existait une version "filles" et une version "garçons". Thomas Cervoni étant lui-même un ancien instituteur et restant attaché au milieu de l’Education Nationale, il n’est pas étonnant qu’il écrivît pour cette revue.

vendredi 10 décembre 2010

2 - Les premiers "grands" romans

Tonifié par la critique faite pour son roman "Jour des morts", il approche Maurice-Bernard Endrèbe, qui lui répond : " Envoyez-moi une nouvelle bien faite et je la donnerai à Maurice Renault " {16}. Maurice Renault est alors directeur des Editions OPTA et de la revue mensuelle "Mystère-Magazine" {17}. La nouvelle "La justice du ciel" sera insérée dans le numéro de février 1954 de ladite revue, encore sous la signature de Thomas Cervion {18}, et précédée de quelques éléments biographiques sur l’auteur.

Dans les différents numéros de "Mystère-Magazine" et de ses résurgences fin des années 70 / début des années 80, Thomas Cervoni publiera une dizaine de nouvelles, entre 1954 et 1981. Ses nouvelles seront aussi publiées dans la revue "Antigone", la revue support de l’Union Générale des Auteurs et Musiciens Professionnels Aveugles (UGAMPA), dont fera partie Thomas Cervoni. La grande majorité de ses nouvelles seront d’une part rééditées sous une forme remaniée dans les deux recueils édités en 1986 et 1993 ("Crimes parfaits et imparfaits" et "Crimes avec préméditation"), et seront d’autre part adaptées pour la Radio ou la Télévision.

Deux exemples de Nouvelles proposées par Thomas Cervoni à Mystère - Magazine, ici dans les années 60




Après le succès encourageant de son premier "grand roman", il décide d’abandonner le format des petits récits policiers pour se lancer dans le roman de taille traditionnelle, mais il préfère quitter la collection Spécial Police du Fleuve Noir qui, disait-il " ne correspondait pas tout à fait à mon tempérament, surtout à l’époque " {19}.

"De sac et de corde" sera publié au deuxième semestre 1954 par les éditions Ciel du Nord (maison d’éditions condamnée à disparaître à court terme) {20} dans sa collection "Le roman Suspense" sous la "nouvelle" signature de Louis Thomas. Il signe là le deuxième titre de la collection en même temps que son deuxième "grand roman", après Michel Lenoir (un des pseudonymes de Michel Cade plus connu sous l’alias de Michel Lebrun), qui a signé le premier titre "Caveau de famille", et qu’il côtoiera de plus près au cours de sa future carrière de romancier et de scénariste / adaptateur.
Le second "grand" roman de Thomas Cervoni : "De sac et de corde" , signé Louis Thomas, au Ciel du Nord au 2ème semestre 1954.

A cette époque, habitant Hyères, il aime se rendre presque chaque jour à la librairie "L’Escapade" du boulevard Gambetta, tenue alors par deux romanciers {21}, l’un d’eux écrivant à ce moment-là pour la maison d’éditions de La Corne d’Or {22}. Qualifié de discret, voire timide, il y vient en compagnie de René, son ami de toujours, pour parler – évidemment… de romans policiers !

Sur les conseils – voire les recommandations de ces deux romanciers, il intègre en 1955 l’écurie de J.C. Berthe à La Corne d’Or, à Nice, et ouvre une nouvelle Collection "Policier", encore sous le pseudonyme de Louis Thomas ; collection qu’il alimente presqu’à lui seul {23}, à raison d’un titre par semestre. Hélas, les éditions de La Corne d’Or vont disparaître fin 1956, alors que "Louis Thomas" n’y a publié que quatre titres…, qu’un cinquième était pourtant annoncé et qu’un sixième était "dans les cartons" de l’éditeur… {24} 

Tué par un ange" – deuxième titre de la collection "Policier" de La Corne d’Or, et les éloges de la critique…












Parti de la machine à écrire, le romancier utilise maintenant le magnétophone, que les rapides progrès techniques et technologiques ont fait passer du fil métallique à la bande magnétique. Une fois l’inspiration venue, il dicte le texte à son micro, revient en arrière pour se relire et se corriger ; ce qui lui donne une complète autonomie, n’ayant plus besoin de quelqu’un pour relire pendant la phase d’écriture…, mais ce qui est beaucoup plus astreignant que pour un romancier voyant !

La critique des titres écrits pour La Corne d’Or est encourageante : Germaine Beaumont, alors critique pour les romans policiers aux "Nouvelles Littéraires" (et que "Louis Thomas" retrouvera une paire d’années plus tard pour "Les Maîtres du Mystère"), persiste et signe : " Avec "Tué par un ange" de Louis Thomas, nous constatons que cet auteur ne dément pas la confiance que nous lui avions accordée ".

En 1956, il rencontre à la maison de convalescence Chateaubriand, à Hyères {25}, une institutrice parisienne, Suzanne, venue se faire soigner. A cette époque, il joue de la guitare et compose des chansons {26}, mais ne trouve personne pour transcrire ses musiques sur les portées. Suzanne sait faire… Une idylle se noue au cours de leurs courtes rencontres… Rentrée à Paris, Suzanne lui demande de venir la rejoindre… "Oui…, si tu acceptes de m’épouser" répondra Thomas… Et malgré l’inquiétude de ses proches, il fera le voyage, seul, par le train, de Hyères jusqu’au cœur du 17è arrondissement de Paris. Une fois monté à Paris, il reçoit une lettre du patron de La Corne d’Or : " Je regrette beaucoup mais je suis obligé de cesser l’édition et je vous renvoie les deux manuscrits que j’avais retenus et que je ne pourrai publier " {27}. Parmi ces deux manuscrits figure celui du futur "Poison d’avril". A tout hasard, et peut-être sur les conseils de Maurice Renault, qu’il avait pris comme agent littéraire, il envoie son manuscrit, qu’il avait intitulé "La femme sans passé", au Prix du Quai des Orfèvres… {28}

En parallèle, il publie début 1957 sous la signature incongrue de Jacques Griss {29} un polar chez Jacquier dans sa Collection La Loupe : "L’assassin connaît la musique" - la dernière énigme que résoudra l’inspecteur Lémoz aidé par son fidèle adjoint Léo Marnier.
"L’assassin connaît la musique : collection "La Loupe – Policier" - 1er trimestre 1957 : un des premiers romans que Thomas Cervoni précise être " nés de la magie de l’enregistrement sur piste magnétique, avant de devenir caractères d’imprimerie sur le papier " (interview Var Matin du 15 juillet? 1995)

{notes}


{16} - Voir la fiche technique auteur consacrée à Louis-C. Thomas dans Mystère Magazine n°282 – août 1971
{17} - La revue mensuelle "Mystère-Magazine" qui était la version française de la revue policière américaine "Ellery Queen’s Mystery-Magazine" et dont le premier numéro fut publié en janvier 1948, changea d’éditeur et de titre en 1976 sous l’appellation "Le Magazine du Mystère", puis encore d’éditeur, avant de disparaître définitivement en 1981.
{18} - Thomas Cervoni dut demander l’autorisation au Fleuve Noir pour ré-utiliser le pseudonyme de Thomas Cervion.
{19} - Voir entretien avec Jacques Baudou, op. cit.
{20} - Encore une autre maison d’éditions de second ordre, cette fois-ci rachetée et managée par le multi-récidiviste des faillites Roger Dermée… A noter qu’en passant du Fleuve Noir au Ciel du Nord, il quitte Armand de Caro pour Roger Dermée, deux hommes qui se connaissaient bien puisque De Caro avait été le comptable de Dermée fin des années 40. Dans son étude sur la vie et l’œuvre de Louis C. Thomas parue dans le n°37 d’Enigmatika, Henry Yvon Mermet indique que le roman ne fut qu’à moitié payé à l’auteur, car l’éditeur fit faillite, et qu’alors Thomas Cervoni dut se tourner à nouveau vers un autre éditeur… Ce sera "La Corne d’Or".
{21} - L’Escapade – Boulevard Gambetta à Hyères : Librairie & Disques, tenue dans les années 50 par René Poscia et Maurice Périsset
{22} - René Poscia écrivit à La Corne d’Or des romans d’espionnage sous son vrai nom et sous les pseudonymes de Mac-Allan Forster et Roddy Gerfeeld (pseudonymes attribués à l’auteur par l’éditeur).
{23} - Maurice-Bernard Endrèbe sera l’autre auteur, et pour un titre seulement ("La mort bat la campagne"), de cette collection policière de La Corne d’Or. Un hasard ?… ou un renvoi d’ascenseur ?…
{24} - Le titre annoncé par le n°2 de la collection "Tué par un ange" comme étant en préparation était "La mort a des lunettes noires", prévu pour la collection Trafic de La Corne d’Or, et le titre en réserve était "La femme sans passé". "La mort a des lunettes noires" étant assez différent de ses œuvres habituelles, l’auteur n’insistera pas pour le faire éditer. Il sera quand même publié en feuilleton, dans Samedi-soir semble-t-il. Quant à "La femme sans passé", son titre se transformera à la demande d’Hachette et de Maurice Renault en "Poison d’Avril"… en obtenant le Prix du Quai des Orfèvres 1957 ! (Voir Enigmatika n°37 op. cit.)
{25} - L’ancien hôtel Chateaubriand situé à Hyères les palmiers fut racheté par l’Education Nationale en 1949 et transformé en maison de convalescence orienté vers la balnéothérapie. Son directeur à l'époque, M. Jourdan, était un ami d'enfance de Thomas Cervoni. Il transportait dans sa voiture les convalescents pour les consultations vers les spécialistes de la région. Un jour, Thomas doit se rendre chez un spécialiste à Toulon ; il monte dans la voiture de Jourdan et y rencontre Suzanne...
{26} - Dans son entretien avec Jacques Baudou, il raconte qu’il écrivit paroles et musique de plusieurs chansons dont une ou deux furent interprétées Il raconte l’anecdote d’avoir écrit une chanson pour la caser dans une des émissions "Les cinq dernières minutes" qu’il écrivit un peu plus tard, mais qu’il fut étonné d’y découvrir à la place, lorsque l’émission passa, une chanson de Jean Constantin…
{27} - Voir entretien avec Jacques Baudou, op. cit.
{28} - Depuis 1946, le Prix du Quai des Orfèvres récompense un manuscrit inédit de roman policier écrit par un écrivain de langue française. Le roman primé est ensuite publié par une grande maison d’édition ; la proclamation du prix a lieu généralement en même temps que la sortie du livre en librairie lors d’un cocktail de Presse organisé au siège de la P.J. par le Préfet de police.
{29} - "Jacques" venant du prénom de sa sœur Jacqueline et "Griss" étant une erreur de l’imprimeur pour Chris(tiane), prénom de sa nièce (Henry Yvon Mermet in Enigmatika n°37 de juillet 1989).

3 - "Laissez passer le pauvre aveugle !"

1957 est une année faste pour Thomas Cervoni. Il a enfin retrouvé l’amour et il épouse le 20 mai à Paris et en toute intimité Suzanne Darcémont, qui sera "ses yeux" pour sa carrière de romancier ; et il trouve enfin le succès, avec le manuscrit de son dernier roman "Poison d’Avril", qui obtient le Prix du Quai des Orfèvres {30} et est publié comme il se doit à ce moment-là par Hachette, dans sa collection "Le Point d’Interrogation". On raconte l’anecdote que, venant chercher son prix au quai des Orfèvres et alors qu’il était le héros de la fête, un des organisateurs ne l’ayant pas reconnu le fit passer devant d’autres personnes en tant qu’handicapé en clamant : " Laissez passer le pauvre aveugle " (entretiens privé avec René Poscia et Françoise Postic).


"Poison d’Avril", Prix du Quai des Orfèvres 1957. Le roman sera adapté dès 1958 par Charles Maître pour l'émission radiophonique "Les Maîtres du Mystère", et sera réédité en 1985 dans la collection Le Masque.

Il signe pour ce roman, comme dorénavant pour toutes ses futures productions, du nom de Louis C. Thomas, pour ne pas être confondu avec Louis Thomas, un autre auteur très prolifique et très connu à l’époque, mais qui avait été un collaborateur notoire pendant la guerre et qui s’était réfugié en Belgique.
Dans l’entretien qu’il accorda à Jacques Baudou fin des années 80, Thomas Cervoni rapporte que cet événement fit l’objet d’un court sujet aux actualités cinématographiques, et que cela lui fit une bonne publicité, supérieure même à celle de la télévision, et qu’il fut tout de suite connu ; et dans son numéro du 15 janvier 1958, la revue Francs-Jeux fera part de sa fierté de compter Louis C. Thomas dans son équipe qui, dira-t-elle, n’a pas voulu garder le montant de son prix – 100.000 F – mais l’a donné à l’Union des Aveugles.
Thomas Cervoni – alias Louis C. Thomas, avec sa femme Suzanne, interviewé à l’émission TV "Paris Club" {31} en novembre 1957 par Roger Féral et Jacques Chabannes à l’occasion du Prix du Quai des Orfèvres pour "Poison d’Avril" (photo : couvertures Enigmatika n°37 et 38)

Il habite maintenant Paris, dans le 18ème arrondissement, près de "La Fourche", mais aime à renouer avec ses racines chaque été à La Capte {32} dans la petite propriété familiale sous les pins "La Corsica".

En 1958, auréolé de son Prix du Quai des Orfèvres, Maurice Renault lui fait intégrer la très sérieuse maison des Editions Denoël et sa toute nouvelle "collection policière" (qui sera rebaptisée "Crime Club" à partir du 41ème titre). Il s’approprie le cinquième titre de la collection avec "Le mort qui marche", roman qui ouvre une nouvelle ère d’écriture pour l’auteur, puisqu’il va abandonner le roman classique à énigme avec personnage récurrent, et se tourner vers le roman à suspense avec développement psychologique des personnages. Il restera fidèle à cet éditeur jusqu’à la fin de sa carrière de romancier, en fournissant un titre par an entre 1958 et 1969, puis un titre tous les trois ans en moyenne pour la Collection Sueurs froides, qui a remplacé la Collection Crime Club, et ce jusqu’en 1995.

Pour écrire, son épouse lui dresse les décors de ses livres, en lui décrivant, à la faveur de leurs sorties, le monde qu’il ne voit plus… Avec son aide, il se documente dans les catalogues, les guides et les encyclopédies. C’est elle qui désormais corrige ses "manuscrits". Pour accroître la vraisemblance de ses romans, il n’hésitera pas à téléphoner, dans les années 1980, à l'Inspecteur divisionnaire du Vème arrondissement de Paris, pour lui demander conseil ou pour vérifier le bien-fondé des situations qu’il imagine…{33}.


Quelques titres publiés chez Denoël au fil des collections et de leur présentation :

 
 Ci-contre :
"Le froid du tombeau" – dernier titre avec le commissaire Paron (1959) – collection policière bientôt rebaptisée
"Crime Club" ;
"La mort au cœur" (1961) – collection "Crime Club" ;



















 
"La complice" (1966)
collection "Crime Club – nouvelle présentation" ;
"Malencontre" (1972) – collection "Super Crime Club".



















- Ci-contre, dans la collection "Sueurs froides" :
"Le sauf-conduit" (1980);

"Une chute qui n’en finit pas (1985) ;



"Une fille pleurait (1991) et son ultime roman "Une femme de trop" (1995)












Voilà un rythme d’écriture qui peut paraître quelque peu insuffisant pour vivre de ses écrits, si on ignore que Thomas Cervoni se plonge dès la fin des années 50 dans l’écriture de scénarios et de leurs adaptations pour la Radio et la Télévision, et même pour le cinéma…




{notes}


{30} - Thomas Cervoni obtint le prix au premier tour par 8 voix contre 2 à Léonce Peillard pour "Ce brave M. Joseph" et 2 voix à Robert Picq pour "Les Ourloups" (Henry Yvon Mermet in Enigmatika op. cit.).
{31} - Paris-Club était une émission TV quotidienne d’une demi heure, avant le journal télévisé de 13h, centrée sur l’activité culturelle de la Capitale (d’où son nom). Livres, disques, spectacles y étaient présentés par les auteurs, chanteurs et comédiens eux-mêmes, interviewés par le tandem de production et d’animation Roger Féral et Jacques Chabannes. (voir article sur Wikipedia à l'adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Paris-Club)
{32} - La Capte est un hameau de Hyères, sur la route allant vers Giens.
{33} - L'Inspecteur divisionnaire de l’époque était un certain François Ducos, que les amateurs de littérature populaire connaissent bien comme étant le signataire d’une série d’articles consacrés aux illustrateurs et publiés dans la revue "Le Rocambole" sous l’intitulé "Aujourd’hui on expose. :…" (merci à Olivier de l'Amour du Noir pour la rectification de la fonction de l'intéressé)

4 - Radio, Télé, Ciné... et Compagnie !

A cette époque, la Radio est reine, et les auditeurs peuvent écouter jusqu’à 7 ou 8 feuilletons par jour. Il y en a pour tous les goûts, et les amateurs de suspense et d’émotion se retrouvent certains soirs de la semaine, par millions, pour écouter - ou tenter de résoudre - les énigmes proposées par les émissions de théâtre radiophonique de Radio Luxembourg, RTF ou Europe 1. Les titres des séries sont évocateurs : "Allô… Police !", "Les Maîtres du Mystère", ou encore "Les auditeurs mènent l’enquête" {34}.

Thomas Cervoni collaborera régulièrement comme scénariste-dialoguiste à ces séries : entre 1957 et 1961 pour "Allô… Police !" sur Radio Luxembourg, produite par Maurice Renault, qui est en même temps directeur de la collection "Mystère Magazine" ; entre 1963 et 1969 pour "Les Maîtres du Mystère" sur RadioTélévion Française (RTF), produit par Pierre Billard et Germaine Beaumont – cette dernière pourvoyeuse de romans policiers à adapter ; "Les auditeurs mènent l’enquête" de Jean Bardin et Bernard Hubrenne, sur Europe 1, entre 1960 et 1963, et plus accessoirement aux séries "Accusé, levez-vous !", sur Radio Luxembourg en 1958, "Interpol" sur Europe 1 en 1959, "Le siffleur" sur Europe 1 en 1962 et "C’est gagné, commissaire" sur France II en 1963 {35}.Certains de ses scripts seront réadaptés par la suite par des radios étrangères francophones, comme en Suisse romande et en Belgique {36}, et feront l’objet d’adaptations originales sur les radios allemandes et italiennes.


Quant à la Télévision, elle propose à partir de janvier 1958 sa première grande série policière : "Les cinq dernières minutes", qui va avoir un immenses succès, et pour laquelle Thomas Cervoni n’écrira pas moins de 17 scénarios originaux entre 1959 et1975.

C’est dès courant 1957 qu’il est sollicité par Maurice Renault qui démarre la production - avec Jacques Maurel à la réalisation - de pièces policières dans la nouvelle émission "Allô… Police !" sur Radio-Luxembourg, et qui lui demande d’écrire pour lui. Sous son pseudonyme désormais attitré de Louis C. Thomas, il écrit le scénario original de "L’assassin propose" qui sera produit et diffusé comme second épisode de la série, le 8 octobre 1957. Suivront une trentaine d’épisodes, jusqu’à la fin de l’émission en novembre 1961, avec un dérivatif particulier en 1958 pour la collection de disques-jeu de pièces policières "La clef de l’énigme" produite par Jacques Maurel et éditée par les disques Festival avec un épisode : "Qui veut noyer son chien" {37}.

Dans son entretien avec Jacques Baudou, il raconte comment cela se passait : " (Allô… Police), c’était une émission de 30 minutes environ. Et ce qu’ils voulaient, c’était de l’action. C’était l’époque où l’on faisait beaucoup de bruitages.(…) Il fallait des séquences très courtes, qui se succédaient de manière rapide ". Il écoutait bien entendu la radio lorsque ces pièces étaient diffusées, et il a regretté de ne pas les avoir enregistrées {38}.


En 1958, son roman "Poison d’avril" est adapté par Charles Maître pour la nouvelle émission sur RTF "Les Maîtres du Mystère", et Maurice-Bernard Endrèbe lui suggère de proposer un synopsis pour l’émission TV des "Cinq dernières minutes" {39}. Son scénario original – "Un grain de sable", qui se déroule dans les milieux de la brocante où un crime a été commis, sera accepté et adapté comme le neuvième épisode de la série.


En 1959, il récidive pour le onzième épisode de la série, avec "Sans en avoir l’air", et il est contacté pour venir en aide à l’adaptation pour le cinéma d’un roman américain – "Valse blonde" – mettant en scène une femme professeur de danse qui mène une enquête. Ce sera pour "Voulez-vous danser avec moi ?", film de Michel Boisrond avec Brigitte Bardot en vedette.



Voulez-vous danser avec moi ?", avec Brigitte Bardot et Henri Vidal. Sorti en salle en décembre 1959. Adaptation de Gérard Oury, Jean-Charles Tacchella, Louis C. Thomas…

Dans le même temps, le producteur du film Francis Cosne ayant besoin d’un scénario pour un court métrage, Thomas Cervoni lui écrit le scénario de "La revenante" (1960) qui sera réalisé par Jacques Poitrenaud, avec Guy Bedos et Mireille Darc dont ce sera le premier rôle au cinéma.


En 1960, il intègre l’équipe des auteurs de l’émission d’Europe 1 "Les auditeurs mènent l’enquête", où il écrira une vingtaine de scripts originaux jusqu’à la disparition de l’émission en 1963. Il raconte dans son entretien avec Jacques Baudou comment était construite l’émission : " Dans "les auditeurs mènent l’enquête", c’était différent. Dans l’action, on devait glisser un indice qui permettrait de trouver le coupable. A la fin, on arrêtait l’émission, on posait quelques questions aux auditeurs qui avaient quelques minutes pour téléphoner, et on terminait la séquence toujours sous forme dramatique où le commissaire François donnait la solution ".

En 1961, il publie un roman policier pour la jeunesse : "L’étrange invitation", qu’il a écrit pour son filleul Serge et qui est édité aux Editions GP dans la collection Spirale. Ce roman, publié en pré-original dans le journal "Pilote" sera adapté au théâtre en 1963, à la demande des CEMEA {42}, et sera joué toute une saison, pour le théâtre de la Clairière, à Bobino.

"L’étrange invitation" : un roman policier pour la jeunesse, écrit en 1961 pour son filleul alors âgé de 11 ans. Le nom du héros – Serge Gilles - est un clin d’œil à son filleul et neveu, prénommé Serge.

En 1963, il rejoint l’équipe des Maîtres du Mystère comme auteur de pièces radiophoniques originales, après avoir vu quatre de ses romans adaptés par d’autres que lui pour la célèbre émission {43}. Le producteur de l’émission depuis 1957, Pierre Billard, s’est en effet aperçu que les bons romans ne font pas forcément de bons scénarios, et il demande à une équipe d’auteurs élargie des pièces inédites spécialement écrites pour la radio. " J’ai envoyé un jour un texte à Pierre Billard – dira Thomas Cervoniqui l’a accepté. C’était plus long, ça durait 50 minutes. Il fallait une histoire plus complète, plus élaborée. (…). J’assistais à tous les enregistrements ; je suis devenu très copain avec Pierre Billard ". Une cinquantaine de pièces signées Louis C. Thomas seront adaptées par lui-même dans les différentes appellations de l’émission {44}, jusqu’à sa disparition en 1974, face à la concurrence de la Télévision {45}.

Thomas Cervoni indiquait qu’il y avait une grande différence entre l’écriture d’une pièce de radio et celle d’un roman : Pour une pièce de radio, il suffisait d’une toute petite idée. Tout passant par les dialogues, il était aisé de maintenir l’intérêt entre les personnages ; alors que pour un roman, l’intrigue demandait à être beaucoup plus étoffée. Il reconnaissait volontiers qu’il avait utilisé certaines pièces radiophoniques comme point de départ de quelques uns de ses romans {46}.



Un certain nombre d’épisodes de la série "Les Maîtres du Mystère" furent éditées en cassette audio, d’abord en 1988 par l’INA et les Editions Nathan, associés à Radio France, mais à un prix trop élevé pour garantir le succès (dix titres seulement, dont le premier fut "La complice" de Louis C. Thomas). A partir de 1995, les éditions du Masque lancent une nouvelle collection moins chère et à l’imitation de la célèbre couverture jaune ornée du masque et de la plume, avec la reprise de 2 titres de Louis C. Thomas.


Aujourd’hui, l’avènement des livres audio nous permet de retrouver parmi la quarantaine de titres édités trois titres phares écrits par Thomas Cervoni :"La complice", "La Chute" , et "Mauvaise conduite".




{Notes}


{34} - La consultation de l’ouvrage de Jacques Baudou "Radio Mystères – Le théâtre radiophonique policier" (INA / Encrage 1997) est incontournable pour appréhender l’histoire de ces différentes émissions policières diffusées par la radio.
{35} - La participation toute relative de Thomas Cervoni à ces trois dernières séries radiophoniques tient uniquement au fait que ces séries eurent une durée de vie très limitée. (voir "Radio-Mystères" op. cit.)
{36} - En Suisse romande dans la série "Enigmes et aventures" sur Radio Sottens entre 1975 et 1981, et en Belgique dans la série "Le polar à la Une" sur RTBF en 1992 et 1993 (voir "Radio-Mystères" op. cit.).
{37} - Se voulant originale, cette collection constituait un jeu de société consistant à écouter un petit drame policier, joué et raconté par des comédiens, d’une demi heure environ, et à trouver le coupable - quelques minutes avant le fin - par un raisonnement logique en se basant sur des indices précis contenus dans l’action. La collection s’arrêta au bout de 4 disques, compte-tenu de son prix prohibitif par rapport à un roman policier traditionnel, et alors que l’écoute de ce genre de pièce policière à la radio ne coûtait rien…
{38} - Et nous aussi, nous le regrettons, car les enregistrements de ces pièces radiophoniques, non conservées par l’INA, sont introuvables. Cette omission est d’autant plus incompréhensible que l’auteur avait à sa disposition une multitude de magnétophones sur lesquels il enregistrait ses propres textes…
{39} - Fin 1958, Maurice-Bernard Endrèbe avait déjà fourni 3 scénarii qui avaient été adaptés pour l’émission, alors à son 8ème épisode.
{40} - Les droits d’adaptation TV pour "Un grain de sable" et "Sans en avoir l’air" seront achetés par la suite par les italiens.
{41} - Voir entretien avec Jacques Baudou, op. cit.
{42} - Les Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active (CEMEA) forment un mouvement regroupant des personnes engagées dans des principes de l’éducation nouvelle et des méthodes d’éducation active, qui mettent en action les individus. (Voir cemea.asso.fr et l’article sur Wikipedia)
{43} - Il s’agit de "Poison d’avril", "Dernières volontés" et "La mort au cœur", adaptés par Charles Maître, et "Le froid du tombeau", adapté par Jean Grimod.
{44} - Intitulé à l’origine en 1957 "Les Maîtres du Mystrère", et co-produite par Pierre Billard et Germaine Beaumont, l’émission hebdomadaire faillit s’arrêter en août 1965 pour "désaccord profond sur la conception de l’émission" entre les deux producteurs…, et fut dédoublée en deux émissions programmées en alternance une semaine sur deux – l’une produite par Pierre Billard : "Mystère Mystère" (baptisée "Les Mystères de l’été" en période estivale), et l’autre produite par Germaine Beaumont : "L’heure du Mystère". Les deux émissions perdurèrent jusqu’à leur mise à l’écart par la volonté de la Direction de RTF sur une chaîne mineure en 1974, liée à la concurrence de la Télévision (voir "Radio-Mystères" op. cit.)
{45} - Dans une courte vidéo visionnable gratuitement sur le site de l'I.N.A., "Une rencontre avec Pierre Billard", ce dernier raconte qu’à cette date, les auditeurs de la radio n’étaient plus des auditeurs du soir… la soirée étant réservée désormais à la Télévision.
{46} - Voir entretien avec Jacques Baudou, op. cit. Ce sera notamment le cas de "La Complice".

5 - Adaptations, Rééditions, Compilations,... Consécration !

Son roman "Manie de la persécution", publié en 1962, retient l’attention de Julien Duvivier qui en tire un film en 1967 sous le titre "Diaboliquement vôtre", avec Alain Delon et Senta Berger. Il en est de même pour son roman de 1964, "Les mauvaises fréquentations", qui sera adapté également en 1967 par Yves Favier et porté à l’écran sous le titre "Les racines du mal" {47}.



"Diaboliquement vôtre" : de Julien Duvivier, d'après le roman de Louis C. Thomas "Les mauvaises fréquentations". Sortie en salles le 27 décembre 1967.

Son roman "La Complice", publié en 1966, et issu de la novelisation de la pièce radiophonique du même titre diffusée en 1964 dans l’émission "Les Maîtres du Mystère", sera adaptée pour le théâtre par lui-même et par Jacques Remy ; et la pièce sera jouée au théâtre Daunou en 1973 par Gérard Barray et Corinne Marchand, avant d’être sélectionnée pour l’émission "Au théâtre ce soir" en 1975.

En 1971, il réédite chez Denoël sous une forme fortement remaniée (sur la forme et non sur le fond) son premier succès sorti au Fleuve Noir "Jour des morts". Le romancier n’a pas livré de nouveau manuscrit depuis deux ans. Il avertit le lecteur que l’histoire se déroule à Toulon, en 1951, et qu’en la réécrivant, il aurait pu facilement l’actualiser… mais que cela n’aurait rien apporté à l’action, tout en détruisant l’atmosphère dans laquelle baignait l’aventure… La critique est alors aussi élogieuse que pour la version originale de 1953 (Maurice-Bernard Endrèbe / Louise Lalanne, Michel Lebrun, Boileau- Narcejac), bien que l’auteur lui-même reconnût plus tard que ce nouveau texte était un peu sec.

Les rééditions vont alors s’enchaîner, notamment chez d’autre éditeurs : Le Livre de Poche (1977), La Librairie des Champs Elysées et ses fameuses Collections du Masque (1980 à 1999), les Editions du Rocher à Monaco (1985 à 1999), J’ai Lu (1986 et 1988), et pour finir Gallimard, qui réédite en 2000 son ultime roman publié en 1995 "Une femme de trop".

Fin des années 60 et courant des années 70, il travaille régulièrement sur des scénarios TV. "Les Cinq dernières minutes" bien sûr, mais aussi des dramatiques tirées de ses romans ou de scénarios originaux : "Malican père et fils – Danger de mort" (1967), "La nuit des cents millions" (1975),…


Il adapte aussi des dramatiques TV avec Michel Lebrun ("Qui veut la fin" (1970), "Dernières volontés" (1973), "A vos souhaits… la mort"" (1974), et écrit avec lui une pièce de théâtre policière : "Le costume marin", qui restera à l’état de pièce écrite {48}.

En 1975, il publie "La place du mort", qui recevra le prix "Mystère de la Critique" de l’année 1976 {49}, prix créé quatre années auparavant par une équipe des Editions OPTA. Ce titre fournira le sujet d’un feuilleton TV au Japon.

1976 : peut-être faut-il parler d’un renvoi d’ascenseur…, puisqu’après son prix "Mystère de la Critique", le jour où il se livre à une séance de signatures avec son titre primé, il apprend que le comité de lecture des Editions Denoël refuse son nouveau roman {50}, lequel est immédiatement récupéré par Maurice-Bernard Endrèbe pour sa collection aux Editions OPTA, qui publiera donc "Pour le meilleur et pour le pire", titre qui sera réédité en 1985 aux Editions du Rocher de Monaco, et dont les droits seront eux aussi vendus à des réalisateurs japonais.














"La place du mort" (1975), qui recevra le prix Mystère de la Critique en 1976 ; et "Pour le meilleur et pour le pire", publié en 1976 aux Editions OPTA. Les droits d’adaptation de ces deux romans seront vendus au Japon pour des feuilletons télévisés.



















Thomas Cervoni a travaillé étroitement avec Michel Lebrun. En 1978, il lui dédicace – ainsi qu’à son "amie" Caroline Camara – son dernier roman "La mort en chantier", finaliste du prix du suspense français 1979 (photo de la dédicace : exemplaire Bilipo)

En 1982, ce n’est pas Thomas mais son épouse Suzanne qui publie un roman - son premier roman - ayant pour titre "L’escalier de service" .


En 1986, il publie une compilation de 17 nouvelles dont 11 inédites aux Editions Denoël sous le titre "Crimes parfaits et imparfaits". La compilation comporte quelques rééditions de ses nouvelles parues dans Mystère Magazine et la novelisation de quelques pièces radiophoniques. Treize de ces nouvelles serviront de scénarii pour la future série télévisée "Sueurs froides" – une anthologie d’histoires policières à suspense.

Seize nouvelles signées Louis C. Thomas, dont treize issues de son recueil "Crimes parfaits et imparfaits", sont adaptées et diffusées au printemps 1988 sur Canal+ dans la série "Sueurs froides", sous forme d’épisodes de 26 minutes, présentés par Claude Chabrol {51}.



La série TV Sueurs Froides, diffusée sur Canal + du 6 février au 25 juin 1988. Ci-dessus l’édition en 3 DVD sortie en avril 2008 .

La série est un succès. Thomas Cervoni retrouve le chemin des interviews journalistiques : Nice Matin, France-soir, présentent sur plusieurs colonnes celui qui n’hésite pas à nous donner… des sueurs froides.


"Sueurs Froides" et les honneurs de la Presse : Nice Matin du 11 juillet 1988 (Sueurs Froides sur C+) et France-Soir du 12 décembre 1988 (Sueurs Froides sur A2).
En 1993 ; il publie une seconde compilation de 17 nouvelles : "Crimes avec préméditation" cette fois-ci pour la collection Le Masque, et présentées comme inédites, mais qui là encore, et pour certaines, sont des réécritures de nouvelles parues dans Mystère Magazine ou des novelisations des scripts écrits pour la radio.

Cette même année, sa femme vient de publier son deuxième roman : "Tendre comme le souvenir"…, mais une maladie incurable la guette bientôt… celle-là justement qui efface le souvenir…

En 1995, Thomas Cervoni vient de publier son dernier roman chez Denoël - "Une femme de trop" et, à l’occasion d’une interview accordée au journal Var Matin, il définit son style de romancier : " Je ne suis ni un spécialiste du roman noir, autant dans mes livres que pour la télé, ni un maniaque du crime ; j’écris pour offrir un moment de détente à mes lecteurs. J’ai situé la plupart de mes actions dans le contexte d’une corporation : les forts des halles quand le pavillon Baltard vivait encore, le milieu des pêcheurs, les notaires, etc. Point de politique dans mon œuvre, point de policiers ripoux, ni de bourgeois imbuvables. Je décris, non comme je le vois hélas, mais comme je pense, à travers tout ce que j’entends, tout ce qu’on me raconte. ". Il annonce qu’il a entamé son "41ème" roman {52}, dont il a déjà écrit 80 pages… et dont il ne connaît pas encore l’épilogue.
Une des dernières photographies de Thomas Cervoni, en 1995, durant une séance de dédicace de son "dernier" roman sur la terrasse de" la Bastide", à Hyères / La Capte (Photo Philippe Colombi-Pic – Var Matin)

… Et nous non plus ne connaîtrons pas la chute de son dernier roman… Le décès de sa femme, survenu la même année, vient de lui faire perdre une deuxième fois ses yeux… et plus encore : le goût de la vie.

Ne voulant plus rester seul à Paris, il demande à revenir définitivement dans la ville de son enfance, où il se place à la maison de retraite "La Louisiane", et où il semble que ses seuls plaisirs soient des parties de boules qu’il fait avec son filleul à l’occasion de ses visites. Il attend de retrouver celle qu’il aimait,… qu’il rejoindra au matin du 10 janvier 2003.
Celui qui, quelques années auparavant seulement, recevait encore les honneurs de la presse régionale et nationale, n’aura même pas droit à un petit entrefilet annonçant sa disparition…

Selon ses volontés, ses cendres seront dispersées au jardin du souvenir de Cuers… comme autant de feuillets de ses romans qui s’envoleront au gré des vents et au-delà des mers… pour retrouver ces millions de lecteurs qu’il aura fait frémir - et qu’il continue encore à faire frémir - par ses récits, depuis plus d’un demi siècle.


TontonPierre - octobre 2010



{Notes}

{47} - Le film n’est jamais sorti en salle. Thomas Cervoni rapporte dans son entretien avec Jacques Baudou que le film avait été montré en avant-première à Marseille – là où il avait été tourné – mais qu’il y avait eu un conflit avec le distributeur et que le film n’était jamais passé ailleurs…

{48} - Voir l’article signé Louis C. Thomas "Nos crimes en commun" écrit en hommage à Michel Lebrun dans le n°23 d’Enigmatika (février 1983) consacré à Michel Lebrun

{49} - Créé en 1972 à l’occasion de la relance des Editions OPTA par un groupe de quatre copains dont Georges Rieben et Bernard Rapp, le "Prix Mystère de la Critique" est décerné chaque année à l’auteur dont le roman est le plus cité parmi les dix romans préféré des critiques spécialisés. Deux prix sont décernés : un pour les romans français, l’autre pour les romans étrangers. "Louis C. Thomas" obtiendra le prix avec 9 voix sur 15, le titre étant l’un des 50 préférés de Boileau-Narcejac (H.Y. Mermet – La vie et l’œuvre de Louis C. Thomas in Enigmatika n°37 – juillet 1989). Parmi les illustres critiques du prix a figuré très longtemps Maurice Bernard Endrèbe, qui rappelons-le, avait apprécié Thomas Cervoni dès son premier "grand roman" : "Jour des morts"…

{50} - L’auteur expliquera ce refus par un remaniement du comité de lecture et de sa direction qui voulait publier des œuvres plus orientées politiquement (H. Y. Mermet – La vie et l’œuvre de Louis C. Thomas, op. cit.)

{51} - La série "Sueurs froides" comporte 18 épisodes de 26 minutes diffusés sur Canal+ entre le ,et rediffusés sur A2 fin 1988 et début 1989. 16 épisodes de la série sont des adaptations de nouvelles de Louis C . Thomas, les deux derniers "Mise à l’index" et "Black mélo" étant respectivement adaptés de nouvelles de Bruno Léandri et de Philippe Setbon.

{52} - Ne cherchons pas à répertorier avec exactitude les 40 romans précédents. On dépasse la trentaine si l’on s’en tient aux "grands" romans, mais on dépasse allègrement la quarantaine en tenant compte de ses récits policiers parus chez Ferenczy.





Remerciements


Je tiens à remercier toutes celles et ceux qui m'ont aidé dans mes recherches - ces dernières n'étant d'ailleurs pas terminées..., qui ont répondu avec empressement à mes courriers, et qui m'ont encouragé dans mon entreprise - parfois en me confiant telle ou telle indisrétion sur l'auteur et sur son oeuvre.


Merci donc à :
- Françoise Postic - fille de Marie-Jeanne Cervoni, nièce de Thomas Cervoni,
- Serge Gardiès - fils de Jacqueline Cervoni, neveu et filleul de Thomas Cervoni,

- Jacques Baudou, responsable de la revue Enigmatika, qui a interviewé Thomas Cervoni en 1988 et qui m'a autorisé à utiliser l'étude présentée dans les numéros 37 et 38 de ladite revue - revue pratiquement introuvable aujiourd'hui,

- Le personnel de la Bilipo, qui a mis à ma disposition les deux numéros de la revue Enigmatika consacrés à Louis C. Thomas,

- René Poscia, François Ducos et Frank Evrard pour les indiscrétions anecdotiques sur l'auteur,

- Le personnel du service d'état civil de la mairie de Hyères,

- Marc Colonna, chef d'agence de pompes funèbres à Hyères, pour m'avoir mis sur la piste de la famille de l'auteur,

- Une pensée pour Henry-Yvon Mermet, disparu au début des années 2000, qui était un ami de Thomas Cervoni et qui avait retracé la carrière de son ami et s'était livré à l'analyse de son oeuvre, le tout publié dans les deux numéros déjà cités de la revue Enigmatika.




Les deux chapitres suivants seront consacrés à la présentation bibliographique (française) de l'oeuvre écrite de Louis C. Thomas (romans, récits policiers, nouvelles et contes pour enfants), et la présentation du théâtre radiophonique et télévisuel de l'auteur (sans oublier le cinéma et le théâtre).